Les recommandations de Julien Bernatchez

Laurentie - Mathieu Denis, Simon Lavoie
Une œuvre lente et dure qui nous apporte une nouvelle interprétation à chaque nouvelle écoute. Emmanuel Schwartz interprète sans retenue un jeune qui plonge dans l’abîme du silence jusqu’à l’irréparable, face à une société dans laquelle il ne se retrouve plus. Une suite de longs plans séquences, un récit qui s’opère de manière presque subliminale, une narration composée de poèmes d’ici, le film est sans compromis dans son miroir de notre mal-de-vivre collectif. 

Le Chat dans le sac - Gilles Groulx
On reste dans la crise identitaire avec l’un des films phare de notre jeune cinématographie. Le chef-d'œuvre de Gilles Groulx passe l’épreuve du temps avec la modernité de son propos, et sa facture clairement inspirée des films de la Nouvelle Vague de l’époque. C’est notre Godard, et ce n’est pas rien. Jump cut, narration à l’écran, mélange de vrai et de faux, propos intertextuels et modernes, le tout a pour séduire et démontrer que nous aussi, on peut faire beaucoup avec peu. Une écoute essentielle pour savoir d'où l’on vient et où on va.

Maudite poutine - Karl Lemieux
Pourquoi ne pas continuer avec un autre film douloureux en noir et blanc? Le réalisateur Karl Lemieux provient du cinéma expérimental, et cela se fait sentir dans ce long métrage d’une magnifique photographie granuleuse. Œuvre de fraternité dans un milieu rural qui n’offre aucun espoir, l’ensemble est brutal mais d’une grande beauté.

Continental - Un Film sans fusil - Stéphane Lafleur
Peut-être sans fusil, mais définitivement pas sans intérêt, le premier film de Stéphane Lafleur a bien mérité son prix du meilleur film cette année-là. Comédie existentielle rodée au quart de tour, dialogues incisifs et cyniques portés par le sévice de la solitude, humour noir à la Roy Anderson, touche d’onirisme dans la forme qui élève ses personnages au-dessus de leur misère, l’ensemble hypnotise par son efficacité et son intelligence.

Les Bons Débarras - Francis Mankiewicz
Classique parmi les classiques, parfois même reconnu comme étant le plus grand film québécois de tous les temps (quand ce n’est pas Mon oncle Antoine, Le Déclin de l’empire américain, Les Ordres ou Pour la suite du monde, mais toutes ces réponses sont bonnes), les mots de Réjean Ducharme s’échappent de la bouche meurtrie de gens qui n’ont d’autres malheurs que d’aimer trop, d’aimer mal.

Yes Sir! Madame... - Robert Morin
Tout un défi de ne choisir qu’un film de Robert Morin, l’ours mal léché de notre filmographie, le caillou dans notre soulier. Quiconque meurt, meurt à douleur? Papa à la chasse aux lagopèdes? Journal d’un coopérant? Le Problème d’infiltration? Requiem pour un beau sans-coeur? Le prolifique réalisateur nous offre l’embarras du choix, mais je vais y aller avec ce chef-d'œuvre de simplicité, filmé caméra à l’épaule le temps d’une caisse de douze, composé de films Super 8 sur le parfait bilingue, traitant de notre crise identitaire avec le cynisme qu’on lui connaît.